Mont Fuji : on l'a fait !
“Celui qui n'a pas gravi le Mont Fuji dans sa vie est un idiot.”
Ainsi commence un proverbe japonais. Le Mont Fuji, ou Fujisan au Japon (notre appellation Fujiyama est une erreur de traduction), est un des emblèmes du Japon. Le point culminant du pays, une montagne magnifique, mais aussi un volcan, toujours considéré actif, mais n'ayant donné aucun signe de vie depuis près de 300 ans. Nous avions prévu, depuis quelques semaines, d'y aller le week-end dernier (j'ai appris par la suite que c'était le dernier week-end de la période officielle d'ouverture, que je déconseille fortement).
Le voyage commence samedi, à 15h30, quand nous nous dirigeons vers le terminal de bus de Shinjuku. Nous retrouvons sur place notre amie Haruka, et deux de ses amis, Sayaka et Sugimoto, qui se joignent à nous pour leur première montée du Mont Fuji (Haruka en est quant à elle à sa deuxième fois, merci à elle pour son aide dans les préparatifs).
Nous attendons notre bus une petite demi heure, puis partons pour deux bonnes heures de route, en direction de la cinquième station sur la piste Kawaguchiko. On peut en effet emprunter différentes pistes jusqu'au sommet, et ces pistes sont divisées en 10 étapes (ou anneaux). La cinquième, à environs 2400 mètres d'altitude, est la dernière où le bus peut nous amener. Nous y arrivons vers 19h.
En sortant du bus, la première chose qui nous frappe est la relative fraîcheur : je ne pense pas avoir ressenti de température aussi fraîche depuis notre arrivée au Japon. Ça fait du bien.
Sachant qu'il faut compter dans les sept heures pour arriver au sommet, et que nous voulons y être vers 3h30, 4h, pour profiter du lever du soleil, nous avons un peu de temps pour nous préparer à monter.
Nous démarrons l'expédition à proprement dit vers 20h, il fait déjà nuit noire. Petit cri de guerre sur la ligne de départ, et nous voilà lancés. La balade commence tranquillement, avec des chemins plutôt plats, au clair de Lune, avec déjà une belle vue sur les villes en contrebas. Rapidement, nous entrons dans une forêt clairsemée, paysage que nous ne verrons pas longtemps. En effet, après une heure trente de marche, nous nous retrouvons sur un terrain rocailleux, sans verdure, composé de débris volcaniques ou de gros rochers, auquel nous aurons droit jusqu'au sommet.
La régularité du Mont Fuji offre un certain avantage : la vue. Nous avons eu, durant toute la montée, le loisir d'admirer la vue en contrebas, d'observer les files de randonneurs derrière nous, mais aussi devant nous, et de voir au loin les stations suivantes, paraissant toujours plus loin.
Cependant, cela devient rapidement monotone, le paysage change peu, et les stations, groupements de huttes abritant refuge, restaurant, poste de secours, toilettes, se succèdent les unes aux autres, sans trop de différences. Chaque station est l'occasion de faire une pause, de boire et manger, de prendre quelques photos, de discuter un peu avant de repartir. Pour certains, c'est aussi le moment de prendre des vitamines, ou une bouffée d'oxygène pur. Il est en effet recommandé d'emporter avec soi une petite bouteille d'oxygène. J'ai essayé, j'ai eu l'impression de retrouver mon souffle plus rapidement, mais rien d'exceptionnel. Plus haut, ça doit aussi servir à réduire le mal des montagnes (l'air se raréfie).
Au fur et à mesure que nous prenons de l'altitude, la température, elle, descend, et chaque arrêt devient l'occasion d'enfiler un vêtement supplémentaire. Qui d'un t-shirt en plus, d'un coupe-vent, d'un bonnet...
Petite parenthèse sur le matériel, justement. Pas besoin d'un matériel de professionnel, l'ascension étant accessible à tous, des plus jeunes aux moins jeunes. Le minimum étant d'avoir plusieurs couches de vêtements, à enfiler progressivement durant la montée pour contrer le froid, et à retirer durant la descente, face au soleil. Bonnet, gants, écharpe, sont recommandables, mais non indispensables (pour ma part, j'étais très heureux d'avoir acheté tout ça le matin même). De bonnes chaussures sont nécessaires (chaussures de sport à crampons voire chaussures de montagne). Pour se protéger de la pluie, on rajoutera veste et pantalon imperméables. Côté accessoires, les bâtons m'ont beaucoup aidé, une lampe torche (éventuellement frontale) permet de voir où l'on marche. On prendra bien sûr de quoi se revitaliser, boissons et en-cas : barres de céréales, onigiri (boule de riz), et autres snacks. Enfin, il ne faut pas oublier que la descente se fait en plein soleil, et que donc, lunettes de soleil, chapeau, et crème solaire sont de rigueur. La descente soulevant beaucoup de poussière, je recommande de prendre un masque, ou une serviette, qu'on utilisera pour couvrir bouche et nez, afin de ne pas trop respirer ces particules néfastes.
Au fur et à mesure que nous montons, le chemin se resserre, se complique un peu par endroits (avec de gros rochers qu'il faut quasiment escalader), et le rythme ralentit notablement. Nous sommes en effet loin d'être les seuls à vouloir profiter du mont Fuji en ces derniers jours d'ouverture, et des files de randonneurs se forment dans les passages étroits, et avant les chalets. On piétine.
Il est 4h30, nous n'avons pas atteint le sommet, nous avançons très lentement, pas à pas, et les premières lueurs orangées se montrent. De plus en plus de randonneurs décident de s'arrêter au bord du chemin, et de profiter du spectacle. Nous montons encore un peu. Cela nous tient au chaud, et nous rapproche du sommet, qui est notre objectif, ne l'oublions pas. Nous nous arrêtons quand le spectacle devient intéressant. Les lueurs de l'aube se font plus présentes, le ciel commence à se barder de couleurs, et, rapidement, le soleil darde ses premiers rayons. Magique. Le temps est presque parfait, les quelques nuages présents ne gâchent en rien le spectacle. La fin de l'obscurité est aussi le moment de découvrir le paysage qui s'étend tout autour de nous. Plaines, montagnes, lacs, villes, mer de nuages, l'océan au loin, tout y est, c'est splendide. Les réactions d'émotion tout autour de nous brisent le silence.
Mais très rapidement, le spectacle se termine, et le soleil est bien là, il est temps de reprendre la montée. Probablement un des passages les plus pénibles : il nous a fallu près d'une heure pour parcourir les 300 derniers mètres nous séparant du sommet, dans une file d'attente digne des concerts des plus grandes stars.
Arrivés en haut, à plus de 3700 mètres d'altitude, vers 6h du matin, c'est le repos tant attendu. Nous trouvons par miracle des places libres sur des bancs, mangeons, prenons quelques photos, achetons quelques souvenirs, et déjà, il est temps de redescendre (plus nous attendons, et plus le soleil nous rendra la tâche ardue). Nous faisons quand-même un petit détour par le cratère, histoire de voir à quoi il ressemble, et de prendre quelques photos.
La montée fut monotone, la descente sera pire. La même pente en zigzag sur près de cinq kilomètres, composée de sable et de roches volcaniques instables, le soleil de plus en plus haut dans le ciel, et les poussières soulevées par de nombreux randonneurs. Pas grand chose à dire sur cette descente, la fatigue accumulée fait que je n'y ai pas trouvé grand chose d'intéressant, et n'ai pris que peu de photos. Nous arrivons en bas vers 11h, rangeons un peu nos sacs, faisons un brin de toilette, j'achète le meilleur Coca que je n'ai jamais bu, celui qui a goût de dépassement de soi.
Puis le bus arrive, mais pas pour rentrer. Avant ça, nous avons prévu d'aller nous détendre dans un onsen. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s'agit d'un équivalent aux bains publics et stations thermales français. On y vient pour se détendre, prendre des bains d'eau chaude, froide, à bulles, en intérieur, en extérieur, voire profiter d'autres soins tels que massages. Nous avons peu de temps devant nous, donc nous faisons bref : repas rapide au restaurant, puis bains. On dépose ses affaires dans un casier, se rend à proximité des bains en yukata, puis on prend sa douche avant d'aller se baigner dans le bain de son choix. L'eau y est très chaude, plus de 40°, c'est un peu dur d'y rentrer, mais très agréable. Déjà l'heure d'y aller, petit passage par le bain à 16°, on se rhabille, et on court après le bus que nous avons cru râter.
Quatre heures de route plus tard (à cause d'embouteillages), nous sommes de retour à la gare de Shinjuku, l'aventure est terminée, on se dit au revoir, mais cette expérience restera profondément ancrée dans nos mémoires.
Deux jours plus tard, je me suis remis de mes émotions, mais mes muscles s'en rappellent encore. J'ai beau comprendre maintenant pourquoi le proverbe complet dit
“Celui qui n'a pas gravi le Mont Fuji dans sa vie est un idiot. Celui qui l'a gravi deux fois, aussi.”
je me dis que, si l'occasion se représentait un jour, je serais prêt à y retourner : pourquoi refuser de revivre une telle expérience ?
Comme toujours, bien plus de photos dans la galerie : Fujisan.
En bonus, une petite vidéo que j'ai prise au sommet :
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Commentaires
Est-il utile de préciser que
Est-il utile de préciser que toute bonne randonnée en montagne se finit toujours par des étirement complets des jambes ?
fuji
Bravo! chapeau! formidable! ça c'est de la montagne! Tu en as bien profité et nous sommes heureux de partager ton bonheur grace à ce récit si bien fait. Merci David nous t'embrassons bien fort
De chouettes photos qui me
De chouettes photos qui me font envie ! Le chemin de l'ascension n'est pas exceptionnel en soi, mais malgré tout l'ascension en vaut la chandelle, surtout quand on a eu un beau temps comme vous :-)
Quitte à être un idiot, faudra sans doute que j'y retourne un jour ! ^_^
P.S. : le onsen qui s'ensuit est bien sympa aussi :-p